Un
nouveau système agricole : l’Agroécologie
Nous avons abordé
précédemment, le bénéfice social de l’Agroécologie. Voyons en
plus de détail ce que pourrait changer cette méthode sur un système agricole : transposons une exploitation agricole de type
« conventionnelle » vers un modèle agroécologique.
Etat des lieux de
l’agriculture française:
L’agriculture
française, c’est en 2010, 490 000 exploitations agricoles qui
exploitent 56% des sols agricoles du territoire métropolitain (SAU).
Vraisemblablement, la SAU n’est pas répartie de façons homogènes
sur tout le territoire français : elle est plus importante sur
la moitié nord ouest du pays (au nord de la ligne Bordeaux-Nancy).
93% de la SAU est
occupé par les 312 000 moyennes et grandes exploitations (2/3
des exploitations), dont 40% ont moins de 40ha (49% en 2000) et
occupent moins de 11% de la SAU des moyennes et grandes exploitations
(17% en 2000). A l’opposé, 6.5% des moyennes et grandes
exploitations ont plus de 200ha et utilisent 23% de la SAU (3.7% des
exploitations de plus de 200ha pour 16% de la SAU en 2000).
Parmi ces 312 000
moyennes et grandes exploitations, 45% ont adoptés une forme
sociétaire : 140 700 unités, soit +22 000 depuis
2000. Les 170 300 exploitations individuelles sont majoritaires
mais diminuent fortement depuis 2000. Leur taille, 58ha en moyenne,
est plus petite que celle des formes sociétaires (108 ha). Ces
formes sociétaires exploitent 61% de la SAU des moyennes et grandes
exploitations.
En 2010, un
exploitant sur cinq (soit 20%) a choisi les circuits courts (vente à
la ferme ou sur les marchés principalement) pour une production au
moins. C’est le plus souvent des petites exploitations (miel,
légumes) en labélisée en Agriculture Biologique.
Sources :
ministère de l’agriculture
Globalement donc, le
nombre d’exploitation de type « familiale et paysanne »
(petite structure en surface et faisant vivre une famille) diminue au
profit des systèmes sociétaires qui s’agrandissent et
intensifient leurs pratiques. Il est important de renverser la courbe
en progressant vers des systèmes Agroécologiques.
Comme nous l’avons
déjà vu, les valeurs du modèle Agroécologique sont de sens
éthique : « L’Agroécologie : une méthode
agronomique efficace, une éthique, une esthétique au service de
l’humain et de la nature. » ( Pierre Rabhi)
Une exploitation en
Agroécologie réfléchit donc à des valeurs morales qui visent à
préserver l’environnement et renforcer le lien au sol de l’être
humain et sa production. Une exploitation Agroécologique fonctionne
donc comme un écosystème.
Un écosystème est un
ensemble formé par une association d’êtres vivants et son
environnement biologique (le biotope). Ces éléments qui composent
l’écosystème, développent un réseau d’échange d’énergie
et de matière de façon à permettre le maintien et le développement
de la vie. L’exploitation Agroécologique doit donc répondre à
cette loi (l’écosystème). On peu sensiblement se rappeler en
conscience la formule de Lavoisier : « rien ne se créé,
rien ne se perd, tout se transforme ».
Observons maintenant
comment cela peut s’appliquer sur une exploitation agricole
moderne. Tout d’abord, l’homme doit retrouver sa place d’être
vivant et de composant d’un écosystème. Il doit donc rentrer en
interaction avec les ateliers de l’exploitation et aussi avec son
environnement, le biotope. Cette règle lui impose donc d’échanger
de l’énergie et de la matière avec les différents organes de son
écosystème. Si l’on observe l’agriculture d’aujourd’hui,
l’homme tire profit de son exploitation. Mais qu’apporte t’il e
échange à son environnement et aux ateliers qui compose son
entreprise. Il n’y a bien là aucune interaction ! Nous
observons donc là le changement que doit s’appliquer l’agriculture
d’aujourd’hui pour faire évoluer un nouveau modèle :
rentrer en échange (apporter et recevoir) avec son environnement et
les ateliers de son exploitation. J’insiste sur le faite que cet
échange doit être de type physique et moral (spirituel, même)
!
Prenons le cas d’une
exploitation laitière de 40 ha, 1.5UTH, 60 vaches laitières.
L’agriculture injecte des intrants à ses cultures pour favoriser
les rendements (ce qui peut générer des pollutions) et pratique
majoritairement la monoculture. Il aménage son confort et le temps
de travail par la mécanisation et le modelage de son parcellaire
(arrachage des talus et haies). Il vie en fonction du revenu fournit
par la vente du lait qui est produit par ses vaches sur son
exploitation. Ce lait est vendu à bas prix à une coopérative et il
touche des primes ce qui lui permet d’équilibrer son bilan
comptable.
Qu’apporte-t-il à
cette exploitation et à ces vaches ? Beaucoup de soins, de
passion, certainement. Mais ce n’est pas suffisant car il ne vie
pas réellement en harmonie total dans cet écosystème. Car s’il
en tire profit et qu’il apporte soins et nourriture à son élevage
et à ses cultures, il consomme aussi de l’énergie extérieure et
produit un déchet vers l’extérieur de son système.
Il lui faut donc
corriger cela pour acquérir une autonomie énergétique (et
économique) et une méthode de recyclage (valorisation) des énergies
qu’il rejette. Pour cela il va devoir diversifier ses pratiques.
C'est-à-dire, augmenter, du moins profiter du potentiel de son
exploitation.
Acquérir une
autonomie sur un élevage de type laitier, c’est produire
l’alimentation nécessaire pour son troupeau et l’énergie
nécessaire à ces cultures. Pour cela, il doit devenir efficace avec
peu de moyen (on parle de sobriété des pratique ; moins
dépensières et plus productives).
Il commencera par ces
cultures : garantir un fourrage de qualité et en quantité
suffisante. Et dans toutes conditions, pensons aux hivers rudes ou
aux étés secs. Il devra donc mettre en culture de l’herbe
(aliment par exception des bovins) sont forme de pâturage (au
maximum, car c’est la culture la plus économe en énergie) ou de
foin (pour le fourrage d’hiver). Le soin qu’il donnera à ses
prairies est donc important. Il faut garantir un fourrage de qualité
pour l’année. Pour cela il prendra soin de diversifier les plantes
qui composerons la pâture (résistances aux aléas climatique,
fauche, valeur nutritive etc). Il devra aussi produire des céréales
(litière et fourrage), des légumineuses (fourrage et apport en
azote pour ces cultures), des « légumes » fourrages
(betteraves, choux, carottes, courges, orties, etc.). Pour toutes ses
cultures, il aura besoin d’une bonne pratique et de soins à
apporter à son sol. Organiser des rotations efficaces pour ne pas
épuiser son sol et réduire le risque de maladie et de parasite sur
ses cultures. Produire ses semences pour apprécier le potentiel des
variétés qu’il mettra en culture et qui d’année en année,
seront mieux adaptés à son sol et à son climat. Apporter un
amendement régulier pour remplacer ce qu’il aura exporté de son
sol (on exporte de l’énergie au sol quand on récolte les
cultures). Donc il lui faudra du fumier ou du composte en quantité
suffisante.
Très vite, 1.5 UTH ne
seront pas suffisants pour assumer la tache au travail.
L’exploitation va donc devoir soit réduire sa surface, soit
intégrer de nouveaux UTH dans l’écosystème qui est en train de
naitre. Et pourquoi pas les deux ? Imaginons que nous réduisons
la surface de cette exploitation de 60ha à 20ha et que nous y
fassions vivre 4 UTH…
Sur 20ha de SAU,
l’exploitation peut accueillir 20UGB (unité gros bovin). Sont
assolement peut être étudié comme suit : 15ha de prairies
(fauche et pâturages) 2ha de céréales, 2ha de « légumes »
fourrage, 1ha de potager. On associe à la tache 4 personnes : 1
responsable du troupeau composé de 10 vache laitière et 10 unités
de renouvellement, 1 responsable de fromagerie pour la valorisation
du lait, 1 boulanger pour valoriser les blés et qui prendrait soin
du potager nécessaire à la vie du collectif, 1 apiculteur qui
conduirait un rucher de 20 ruches et aurait en charge la production
de semence pour l’autonomie de l’exploitation. Vu la charge de
travail par personne et par atelier, chacun prendra part à la
gestion des cultures, aux travaux d’entretien (bois, clôtures,
etc.). Sur cette exploitation, on intègrera quelques porcs pour
valoriser les déchets et le surplus des différents ateliers. Bien
entendu, d’autres ateliers pourraient être mis en place (vergers,
volailles etc.).
Ce qui fait que sur
20ha, 4 personnes peuvent vivent décemment (1.5UTH sur 40 ha avant
le changement de modèle soit la création de 6.5 emploie). Que le
lien au sol est évident et que l’autonomie quasi-totale. Plusieurs
ateliers rentrent en interaction et que l’humain fait partie
intégrante du système car il compose davantage avec ce qui l’entour
(transformations des produits de base). Il a plus de temps donc est
plus à l’écoute de son environnement ce qui lui permet de
préserver le bocage et d’en valoriser le bois et les fruits. Ce
bocage sera aussi bénéfique à ces cultures et à son troupeau. La
biodiversité en sera sauvegardée et participera même aux
équilibres de l’exploitation (animaux auxiliaires contre les
parasites et développement de la flore mellifère).
Observons l’écosystème
de cette exploitation: les vaches mangent des végétaux et
produisent du lait et du fumier. Le lait est transformé en fromage.
Le fromage est autoconsommé et vendu. Les déchets de fromagerie
sont consommés par des cochons (ils mangent aussi des végétaux)
qui eux aussi transforment la matière en fumier. Le blé est
transformé en pain et son « déchet » en aliment et en
apport Carboné pour participer aux équilibres du sol. La vie du sol
est alimentée par la production des êtres vivant de cet écosystème.
Ce fourrage est adapté au sol et favorise la biodiversité. Les
haies sont préservées ce qui augmente le nombre d’acteur dans cet
écosystème. Etc.
Economiquement cette
exploitation réduit énormément ses charges grâce à l’autonomie
et la diversification de sa production. Le bilan comptable trouve
très vite un équilibre grâce à l’interaction des différents
ateliers.
Socialement, le
résultat est aussi productif par la création d’emploi et la vente
directe. L’exploitation s’ouvre vers l’extérieur et les actifs
y gagne en confort de vie. Leur temps disponible peut se prêter à
d’avantage d’activités extérieures. L’agriculteur ne se sent
plus assisté du système et davantage acteur dans la société.
Nous assistons donc à la transformation d’un système fragile vers un système productif.
Cette transformation améliore les conditions de vie de l’humain et
la préservation de l’environnement : l’efficacité,
l’éthique, l’esthétique au service de l’humain et de la
nature sont respectés !
L’expérience des
pays du « tiers monde » donne exemple !
Au Brésil le
gouvernement Lula à mis en place le programme « Fain zéro ».
A Rio de Janeiro, la coopérative UNIVERDE (pour l’amélioration
des conditions de vie des familles) tire déjà parti des systèmes
agroécologiques. Des terres en friches appartenant à une compagnie
pétrolière publique sont mises en culture par les habitants de la
ville. La Ville de Rio de Janeiro à autoriser le projet pour lutter
contre la violence urbaine et les trafiques. Elle trouve aussi son
intérêt en transformant une ancienne décharge en zone de culture
vivrière, tablant sur une morale d’éthique et d’esthétisme.
Ainsi des centaines de femmes cultivent de façon autonome, une
surface de 1000 m2 par foyer. Les techniques agroécologiques
favorisent un rendement permettant l’autonomie alimentaire des
familles. Une partie des productions est vendu aux cantines et sur le
marché. Ce qui assure un revenu aux familles pour améliorer leurs
conditions de vie (logements, études des enfants etc.). (Source :
Bastamag, Sophie Chapelle, juillet 2012)
En Jordanie, les 2/3
des habitants du pays souffrent d’insécurité alimentaire (82% de
la population du pays vit en ville). En 2006 un programme municipal
d’agriculture urbaine se met en place dans le capitale du pays ;
Amman (312 habitants au km2). Là aussi les techniques
agroécologiques s’avèrent efficace pour améliorer les conditions
de vie des habitants. (Source : Bastamag, Elizabeth Whitman,
janvier 2014).
Gérard Choplin (Via
Campesina) intervenait en avril 2014 (année internationale de
l’agriculture familiale) face au scénario de la nouvelle PAC :
« en Allemagne et au Pays Bas, 67% des paysans ont plus de 50
ans et ne trouvent pas de successeurs. Les jeunes trouvent le
modèle agricole actuel trop risqué et on de grosses difficultés
pour accéder à la terre.». « le cours du lait, bien qu’il
est augmenté, est toujours inadapté et les producteurs vendent
toujours à perte leur production. ». Il s’insurge là face à
la disparition des quotas laitiers et face à l’Europe qui
encourage toujours le modèle agricole intensif.
Nous comprenons donc
là que le modèle Agroécologique doit faire partis intégrante des
propositions d’avenir de notre société. Il a l’avantage d’être
un modèle accessible et de mise en place rapide.
Mikaël HARDY, école
paysanne 35.