dimanche 26 octobre 2014

L'Agroécologie - 2ème Partie - Discours 6


Un nouveau système agricole : l’Agroécologie




Nous avons abordé précédemment, le bénéfice social de l’Agroécologie. Voyons en plus de détail ce que pourrait changer cette méthode sur un système agricole : transposons une exploitation agricole de type « conventionnelle » vers un modèle agroécologique.


Etat des lieux de l’agriculture française:
L’agriculture française, c’est en 2010, 490 000 exploitations agricoles qui exploitent 56% des sols agricoles du territoire métropolitain (SAU). Vraisemblablement, la SAU n’est pas répartie de façons homogènes sur tout le territoire français : elle est plus importante sur la moitié nord ouest du pays (au nord de la ligne Bordeaux-Nancy).
93% de la SAU est occupé par les 312 000 moyennes et grandes exploitations (2/3 des exploitations), dont 40% ont moins de 40ha (49% en 2000) et occupent moins de 11% de la SAU des moyennes et grandes exploitations (17% en 2000). A l’opposé, 6.5% des moyennes et grandes exploitations ont plus de 200ha et utilisent 23% de la SAU (3.7% des exploitations de plus de 200ha pour 16% de la SAU en 2000).
Parmi ces 312 000 moyennes et grandes exploitations, 45% ont adoptés une forme sociétaire : 140 700 unités, soit +22 000 depuis 2000. Les 170 300 exploitations individuelles sont majoritaires mais diminuent fortement depuis 2000. Leur taille, 58ha en moyenne, est plus petite que celle des formes sociétaires (108 ha). Ces formes sociétaires exploitent 61% de la SAU des moyennes et grandes exploitations.
En 2010, un exploitant sur cinq (soit 20%) a choisi les circuits courts (vente à la ferme ou sur les marchés principalement) pour une production au moins. C’est le plus souvent des petites exploitations (miel, légumes) en labélisée en Agriculture Biologique.
Sources : ministère de l’agriculture
Globalement donc, le nombre d’exploitation de type « familiale et paysanne » (petite structure en surface et faisant vivre une famille) diminue au profit des systèmes sociétaires qui s’agrandissent et intensifient leurs pratiques. Il est important de renverser la courbe en progressant vers des systèmes Agroécologiques.
Comme nous l’avons déjà vu, les valeurs du modèle Agroécologique sont de sens éthique : « L’Agroécologie : une méthode agronomique efficace, une éthique, une esthétique au service de l’humain et de la nature. » ( Pierre Rabhi)
Une exploitation en Agroécologie réfléchit donc à des valeurs morales qui visent à préserver l’environnement et renforcer le lien au sol de l’être humain et sa production. Une exploitation Agroécologique fonctionne donc comme un écosystème.
Un écosystème est un ensemble formé par une association d’êtres vivants et son environnement biologique (le biotope). Ces éléments qui composent l’écosystème, développent un réseau d’échange d’énergie et de matière de façon à permettre le maintien et le développement de la vie. L’exploitation Agroécologique doit donc répondre à cette loi (l’écosystème). On peu sensiblement se rappeler en conscience la formule de Lavoisier : « rien ne se créé, rien ne se perd, tout se transforme ».
Observons maintenant comment cela peut s’appliquer sur une exploitation agricole moderne. Tout d’abord, l’homme doit retrouver sa place d’être vivant et de composant d’un écosystème. Il doit donc rentrer en interaction avec les ateliers de l’exploitation et aussi avec son environnement, le biotope. Cette règle lui impose donc d’échanger de l’énergie et de la matière avec les différents organes de son écosystème. Si l’on observe l’agriculture d’aujourd’hui, l’homme tire profit de son exploitation. Mais qu’apporte t’il e échange à son environnement et aux ateliers qui compose son entreprise. Il n’y a bien là aucune interaction ! Nous observons donc là le changement que doit s’appliquer l’agriculture d’aujourd’hui pour faire évoluer un nouveau modèle : rentrer en échange (apporter et recevoir) avec son environnement et les ateliers de son exploitation. J’insiste sur le faite que cet échange doit être de type physique et moral (spirituel, même) !
Prenons le cas d’une exploitation laitière de 40 ha, 1.5UTH, 60 vaches laitières. L’agriculture injecte des intrants à ses cultures pour favoriser les rendements (ce qui peut générer des pollutions) et pratique majoritairement la monoculture. Il aménage son confort et le temps de travail par la mécanisation et le modelage de son parcellaire (arrachage des talus et haies). Il vie en fonction du revenu fournit par la vente du lait qui est produit par ses vaches sur son exploitation. Ce lait est vendu à bas prix à une coopérative et il touche des primes ce qui lui permet d’équilibrer son bilan comptable.
Qu’apporte-t-il à cette exploitation et à ces vaches ? Beaucoup de soins, de passion, certainement. Mais ce n’est pas suffisant car il ne vie pas réellement en harmonie total dans cet écosystème. Car s’il en tire profit et qu’il apporte soins et nourriture à son élevage et à ses cultures, il consomme aussi de l’énergie extérieure et produit un déchet vers l’extérieur de son système.
Il lui faut donc corriger cela pour acquérir une autonomie énergétique (et économique) et une méthode de recyclage (valorisation) des énergies qu’il rejette. Pour cela il va devoir diversifier ses pratiques. C'est-à-dire, augmenter, du moins profiter du potentiel de son exploitation.
Acquérir une autonomie sur un élevage de type laitier, c’est produire l’alimentation nécessaire pour son troupeau et l’énergie nécessaire à ces cultures. Pour cela, il doit devenir efficace avec peu de moyen (on parle de sobriété des pratique ; moins dépensières et plus productives).
Il commencera par ces cultures : garantir un fourrage de qualité et en quantité suffisante. Et dans toutes conditions, pensons aux hivers rudes ou aux étés secs. Il devra donc mettre en culture de l’herbe (aliment par exception des bovins) sont forme de pâturage (au maximum, car c’est la culture la plus économe en énergie) ou de foin (pour le fourrage d’hiver). Le soin qu’il donnera à ses prairies est donc important. Il faut garantir un fourrage de qualité pour l’année. Pour cela il prendra soin de diversifier les plantes qui composerons la pâture (résistances aux aléas climatique, fauche, valeur nutritive etc). Il devra aussi produire des céréales (litière et fourrage), des légumineuses (fourrage et apport en azote pour ces cultures), des « légumes » fourrages (betteraves, choux, carottes, courges, orties, etc.). Pour toutes ses cultures, il aura besoin d’une bonne pratique et de soins à apporter à son sol. Organiser des rotations efficaces pour ne pas épuiser son sol et réduire le risque de maladie et de parasite sur ses cultures. Produire ses semences pour apprécier le potentiel des variétés qu’il mettra en culture et qui d’année en année, seront mieux adaptés à son sol et à son climat. Apporter un amendement régulier pour remplacer ce qu’il aura exporté de son sol (on exporte de l’énergie au sol quand on récolte les cultures). Donc il lui faudra du fumier ou du composte en quantité suffisante.
Très vite, 1.5 UTH ne seront pas suffisants pour assumer la tache au travail. L’exploitation va donc devoir soit réduire sa surface, soit intégrer de nouveaux UTH dans l’écosystème qui est en train de naitre. Et pourquoi pas les deux ? Imaginons que nous réduisons la surface de cette exploitation de 60ha à 20ha et que nous y fassions vivre 4 UTH…
Sur 20ha de SAU, l’exploitation peut accueillir 20UGB (unité gros bovin). Sont assolement peut être étudié comme suit : 15ha de prairies (fauche et pâturages) 2ha de céréales, 2ha de « légumes » fourrage, 1ha de potager. On associe à la tache 4 personnes : 1 responsable du troupeau composé de 10 vache laitière et 10 unités de renouvellement, 1 responsable de fromagerie pour la valorisation du lait, 1 boulanger pour valoriser les blés et qui prendrait soin du potager nécessaire à la vie du collectif, 1 apiculteur qui conduirait un rucher de 20 ruches et aurait en charge la production de semence pour l’autonomie de l’exploitation. Vu la charge de travail par personne et par atelier, chacun prendra part à la gestion des cultures, aux travaux d’entretien (bois, clôtures, etc.). Sur cette exploitation, on intègrera quelques porcs pour valoriser les déchets et le surplus des différents ateliers. Bien entendu, d’autres ateliers pourraient être mis en place (vergers, volailles etc.).
Ce qui fait que sur 20ha, 4 personnes peuvent vivent décemment (1.5UTH sur 40 ha avant le changement de modèle soit la création de 6.5 emploie). Que le lien au sol est évident et que l’autonomie quasi-totale. Plusieurs ateliers rentrent en interaction et que l’humain fait partie intégrante du système car il compose davantage avec ce qui l’entour (transformations des produits de base). Il a plus de temps donc est plus à l’écoute de son environnement ce qui lui permet de préserver le bocage et d’en valoriser le bois et les fruits. Ce bocage sera aussi bénéfique à ces cultures et à son troupeau. La biodiversité en sera sauvegardée et participera même aux équilibres de l’exploitation (animaux auxiliaires contre les parasites et développement de la flore mellifère).
Observons l’écosystème de cette exploitation: les vaches mangent des végétaux et produisent du lait et du fumier. Le lait est transformé en fromage. Le fromage est autoconsommé et vendu. Les déchets de fromagerie sont consommés par des cochons (ils mangent aussi des végétaux) qui eux aussi transforment la matière en fumier. Le blé est transformé en pain et son « déchet » en aliment et en apport Carboné pour participer aux équilibres du sol. La vie du sol est alimentée par la production des êtres vivant de cet écosystème. Ce fourrage est adapté au sol et favorise la biodiversité. Les haies sont préservées ce qui augmente le nombre d’acteur dans cet écosystème. Etc.
Economiquement cette exploitation réduit énormément ses charges grâce à l’autonomie et la diversification de sa production. Le bilan comptable trouve très vite un équilibre grâce à l’interaction des différents ateliers.
Socialement, le résultat est aussi productif par la création d’emploi et la vente directe. L’exploitation s’ouvre vers l’extérieur et les actifs y gagne en confort de vie. Leur temps disponible peut se prêter à d’avantage d’activités extérieures. L’agriculteur ne se sent plus assisté du système et davantage acteur dans la société.
Nous assistons donc à la transformation d’un système fragile vers un système productif. Cette transformation améliore les conditions de vie de l’humain et la préservation de l’environnement : l’efficacité, l’éthique, l’esthétique au service de l’humain et de la nature sont respectés !


L’expérience des pays du « tiers monde » donne exemple !
Au Brésil le gouvernement Lula à mis en place le programme « Fain zéro ». A Rio de Janeiro, la coopérative UNIVERDE (pour l’amélioration des conditions de vie des familles) tire déjà parti des systèmes agroécologiques. Des terres en friches appartenant à une compagnie pétrolière publique sont mises en culture par les habitants de la ville. La Ville de Rio de Janeiro à autoriser le projet pour lutter contre la violence urbaine et les trafiques. Elle trouve aussi son intérêt en transformant une ancienne décharge en zone de culture vivrière, tablant sur une morale d’éthique et d’esthétisme. Ainsi des centaines de femmes cultivent de façon autonome, une surface de 1000 m2 par foyer. Les techniques agroécologiques favorisent un rendement permettant l’autonomie alimentaire des familles. Une partie des productions est vendu aux cantines et sur le marché. Ce qui assure un revenu aux familles pour améliorer leurs conditions de vie (logements, études des enfants etc.). (Source : Bastamag, Sophie Chapelle, juillet 2012)
En Jordanie, les 2/3 des habitants du pays souffrent d’insécurité alimentaire (82% de la population du pays vit en ville). En 2006 un programme municipal d’agriculture urbaine se met en place dans le capitale du pays ; Amman (312 habitants au km2). Là aussi les techniques agroécologiques s’avèrent efficace pour améliorer les conditions de vie des habitants. (Source : Bastamag, Elizabeth Whitman, janvier 2014).
Gérard Choplin (Via Campesina) intervenait en avril 2014 (année internationale de l’agriculture familiale) face au scénario de la nouvelle PAC : « en Allemagne et au Pays Bas, 67% des paysans ont plus de 50 ans et ne trouvent pas de successeurs. Les jeunes trouvent le modèle agricole actuel trop risqué et on de grosses difficultés pour accéder à la terre.». « le cours du lait, bien qu’il est augmenté, est toujours inadapté et les producteurs vendent toujours à perte leur production. ». Il s’insurge là face à la disparition des quotas laitiers et face à l’Europe qui encourage toujours le modèle agricole intensif.
Nous comprenons donc là que le modèle Agroécologique doit faire partis intégrante des propositions d’avenir de notre société. Il a l’avantage d’être un modèle accessible et de mise en place rapide.




Mikaël HARDY, école paysanne 35.

L'Agroécologie - 1ère Partie - Discours 5


Un retour citoyen vers l’Agroécologie

Discours n°5



« L’Agroécologie : une méthode agronomique efficace, une éthique, une esthétique au service de l’humain et de la nature. » ( Pierre Rabhi)


La préservation de la terre nourricière devrait faire l’objet d’une attention prioritaire au niveau mondiale. On entend parler de grands sommets, de grenelles, de lois, mais le cheminement n’a clairement pas aboutit à des règles inter communautaire. La terre nourricière disparaît petit à petit sur toute la surface du globe et avec elle, sa biodiversité, ses ressources et ses défenses.
Entre 2005 et 2010, la surface agricole a perdu 227 200 hectares en France, soit la superficie du Luxembourg récupérée au profit du bétonnage et de zones commerciales. (source Sophie chapelle – bastamag 18/04/14)


Il y a bien des causes à l’intensification de cette destruction. L’homme a cru régner en maitre au dessus d’un « support » qui lui a semblé inépuisable tellement notre planète était généreuse.
Malheureusement, l’humain se fragilise face au massacre qu’il a lui-même engendré. On s’aperçoit aujourd’hui que sans ces richesses, l’homme ne peut tout simplement pas vivre. Nous sommes nombreux aujourd’hui à comprendre, que l’homme détruit lui-même son écosystème. Ce qui amène à penser que l’être humain doit retrouver sa place d’être vivant sur cette terre.


L’une des principales causes de la disparition de la terre nourricière est belle et bien le modèle agricole que nous avons façonné en moins d’un siècle. Et bien oui ! Le désastre accomplit s’est accéléré de manière fulgurante il y a très peu de temps. Ce Modèle actuel de l’agriculture est de plus une injustice sociale !
En France en 2014, la moitié de la surface agricole utile est aujourd’hui exploitée... par 10 % des plus grandes exploitations (source Sopihie Chapelle – bastamag 7/04/14)


Pour comprendre (chose qui est accessible à chacun d’entre nous qui veut y être attentif), il ne faut pas remonter le temps trop loin en arrière puisque c’était hier…
Avant-hier tout d’abord, l’homme vivait dans une société vivrière. Il a été chasseur cueilleur. Sans mesurer son impact, il épuisait les ressources d’une aire géographique de vie et n’y revenait que lorsque la nature s’était régénérée. Cela demandait beaucoup de temps, mais l’homme était nomade et habitué à se déplacer. Et puis surtout, la population humaine sur la planète était beaucoup plus faible qu’aujourd’hui. L’impacte était donc moindre.
Puis l’homme d’hier s’est sédentarisé. Il s’est mis à défricher pour mettre en culture la terre. On parle alors d’une agriculture vivrière. Une agriculture destinée à l’auto suffisance alimentaire de l’homme. L’impact de l’homme était en équilibre avec les ressources naturelles.


La population humaine n’a depuis cessé d’augmenter sur la planète et nous sommes aujourd’hui plus de 7 milliards en 2014. Face à cette démographie, l’homme a ces dernières années cherché des solutions pour produire vite et beaucoup.
L’aire d’une agriculture intensive à débuté principalement dans les années 1950, après la seconde guerre mondiale. C’est donc un phénomène très très récent (moins de 100 ans) si l’on fait comparaison avec l’apparition du genre homo sapiens il y a environ 2.4 millions d’années.
C’est aussi l’aire ou débute les échanges mondiaux de marchandises, facilités par les progrès techniques. Les échanges de nourriture entre continents se sont développés. L’objectif : produire plus et à moindre cout… moindre pour les pays riches. Car si les pays « riches » comme la France, profite de ce système marchand, c’est au détriment de pays « plus pauvres ». Quand l’on produits à moindre cout des denrées alimentaire dans les pays pauvres, c’est au détriment de certaines populations qui eux subisses et travaillent pour nous nourrir. De plus, pour accroitre les productions dans ces pays, nous avons modifié les pratiques agricoles des paysans et donc affaiblis leurs moyens de subsistance.
Si l’on regarde globalement la situation d’aujourd’hui, une petite partie de la population mondiale, exploite à son profit, une grande partie de la population mondiale. Le parallèle s’établit de même quand à la pression effectuée sur la terre nourricière : on exploite intensivement une majorité de la surface planétaire, au profit d’une petite partie de la population mondiale.
Cette situation n’est donc plus durable !
La situation agronomique de notre planète est très préoccupante ! L’érosion du sol, dû à l’usage de fertilisants chimiques ou autres pesticides, résulte d’un appauvrissement de la biodiversité vivant dans les différentes couches terrestres de la terre nourricière. Les bactéries et la faune des sols disparaissent, empoisonnés. Ce sont eux qui nourrissent les plantes cultivées par la transformation de la matière organique. Ils sont partie intégrante de l’écosystème des sols
Les haies et talus qui préservaient des crues ont été arrachées pour favoriser l’intensification des pratiques sur de plus grandes surfaces. Ces barrières végétales jouent pourtant un rôle bien reconnu par le plus grand nombre d’entre nous. Mais chaque hiver on observe encore la disparition des maillages bocagers. Ces haies jouent aussi un rôle important de corridors écologiques. Elles dessinent des autoroutes communicantes pour la biodiversité et préservent le brassage génétique des espèces animales et végétales.
La question de la ressource en eau potable est récurrente ces dernières années. Les intrants appliqués sur les cultures se retrouvent dans les rivières et dans les nappes phréatiques (70% des ressources en eau sur la planète (32.4% en Europe) sont utilisés pour l’irrigation des cultures – source : ministère de l’agriculture). Pour l’alimentation humaine, les moyens techniques de traitement de l’eau pour sa potabilisation ne parviennent plus à atteindre les objectifs sanitaires fixés. Enfin, le problème des algues vertes, qui gêne pour l’activité touristique sur nos cotes, ne cache plus les problèmes de la disparition de la biodiversité des mers et océans déjà bien affectés par la pêche intensive.
Enfin, on connaît aussi un réel problème de santé publique (de l’espèce humaine). La qualité des aliments produits par l’agriculture intensive s’en retrouve diminuée par des résidus de pesticides mais aussi par une valeur nutritionnelle (vitamines, minéraux etc.) moindre.
Le morale des hommes est aussi attaqué par cette politique d’intensification des pratiques agricoles, qui dévalue le rôle que joue le paysan à produire une alimentation (et un environnement) de qualité pour ces concitoyens. La motivation de ces hommes doit être relancée par un programme politique basé sur des fortes valeurs humanistes et éco citoyennes.
Pour recréer un équilibre planétaire, du point de vue humain et écologique (je dirais même agronomique), il est donc urgent que chaque pays réapprenne son auto-suffisante alimentaire. L’Agroécologie en est la solution !
L’Agroécologie c’est l’utilisation respectueuse des ressources offertes localement par la nature. C’est se réapproprier l’essentielle philosophie: vivre dans son écosystème en garantissant sa protection, car celle-ci entraine notre survie. L’homme doit donc retrouver sa place « d’être vivant » sur la planète.
Quelles en sont les règles ? Elles sont simples. L’Agroécologie tire toute son importance dans la protection du sol vivant. La terre nourricière n’est plus un support de culture, elle devient un organisme vivant avec qui l’on compose pour faire fructifier par exemple une culture. Avec le respect de la terre, c’est aussi la vie que l’on respecte. Il y a donc une dimension sociale dans l’Agroécologie. Respecter le vivant c’est respecter la biodiversité, les éléments, et aussi et surtout respecter … l’homme. L’Agroécologie c’est une éthique !
Pour appliquer l’agroécologie comme éthique agricole au niveau mondial, nous avons lourde tache. Mais la France n’est elle pas une terre aux valeurs de fraternité. Pour rappel, « fraternité » c’est l’expression de solidarité et d’amitié qui unit une fratrie. Notre devoir de citoyen français doit donc s’appliquer à cette tache de solidarité. Si un pays comme la France peut s’appliquer aux pratiques de l’agroécologie sur son sol, elle redeviendra plus fraternelle envers les citoyens et paysans qui nous nourrissent et que nous exploitons actuellement dans certains pays. Ces derniers pourrons retrouver eux même le chemin de l’agroécologie que nous leurs avons enlevé. Ainsi, peut être ouvrirons nous la voie à une politique mondiale plus fraternelle…


Que se passera t’il si nous restons aveugle et refusons se choix, car c’est un choix que nous devons prendre ensemble. Il ne se peut pour garantir un changement, se substituer au changement de pratiques et d’éthique de quelques individus dans notre pays et sur terre (c’est un changement global de cheminement social qui aura un impact). Et bien nous avons à penser que les richesses de notre planète s’amenuisant, la population mondiale risque de souffrir de pénurie alimentaire rapidement. Les pays sur peuplés ou n’ayant que très peu de ressources seront les premiers touchés. Les famines risqueront de soulever les hommes les uns envers les autres. Il parait donc logique, raisonnable de s’appliquer à ce changement. Nous avons de plus la chance d’avoir des femmes et des hommes pour ouvrir la voie de ce changement. Ceux là, aux noms d’ONG diverses, expérimentent, pratiquent l’agroécologie depuis plusieurs années. Les résultats sont probants.


En 2012, le journaliste Philippe Baqué présente son analyse sur la production biologique mondiale dans son livre « la BIO, entre business et projet de société ». Selon lui « 40 million d’ha sont certifié en agriculture biologique en 2012 sur la planète. Les 2/3 sont en prairie pour la filière élevage. Le reste de la surface est majoritairement affecté aux cultures de soja, d’huile de palme, de blé ou de quinoa. Ces marchandises sont cultivées pour l’export (pour le Japon, l’Europe ou l’Amérique du nord) dans des pays où les habitants de ceux-ci ne les consomment pas (Amérique latine, Asie, Afrique). En 2012 en France, 50% des produits bio sont vendus en grande surface et proviennent de l’agriculture biologique intensive. » . Toujours selon lui, la bio suit le chemin du conventionnel (intégration, monoculture intensive). « L’agriculture bio ne peut être que paysanne. Si elle est livrée à l’industrialisation, elle ne fera qu’accélérer la disparition du monde paysan ». (Source : Bastamag, Sophie Chapelle, décembre 2012)
Le grand pas vers l’agriculture biologique, n’est donc pas suffisant et il faut encore modifier notre comportement social si l’on veut vraiment progresser.


Nous pouvons donc nous assurer aujourd’hui, qu’une réforme agraire, menant une politique agroécologique, est une réel ambition vers un nouveau mode de société et qu’elle garantira un modèle social et environnementale propre à la survie et la dignité de l’homme sur terre.

Mikaël HARDY, Ecole Paysanne 35

Le revenu de Base - Discours 4


Le revenu de Base pour tous

Discours n°4





      Depuis quelques années, en Europe, une impulsion sociale fait renaitre cette utopie. Nous entendons parler du « salaire de base ».
« Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. » (Portail francophone sur le revenu de base)
Autrement dit il s’agit d’un revenu attribué de la naissance à la mort à chaque citoyen pour lui garantir une vie socialement digne : se nourrir, se loger, s’habiller.

      Aujourd’hui, un militant associatif, ne peut s’investir à plein temps pour défendre une cause d’intérêt général. Car le temps qu’il donne à cette association n’est pas rémunérateur. Bien au contraire ! Un bénévole qui donne de son temps à une cause, donne aussi de son argent. Il lui faut assumer les charges induites par cette implication (déplacements, courriers, téléphones etc.).

Certaines associations bénéficient d’aides de collectivités. Ce qui leurs permettent de salarier le temps nécessaire à certaines tache. Mais le bénévole est de loin le plus productif. Car il allie la tache qu’il accomplie, à la passion qu’il témoigne pour la cause. De plus, les aides associatives sont aujourd’hui très réduites et menacent la pérennité de ces emplois.
Depuis quelques années malheureusement, les associations manquent de bénévoles pour aller au bout de leurs objectifs. La cause principale de ce phénomène est purement économique. Un ménage ne peut aujourd’hui donner de son temps tellement son emploi lui prend du temps. Et une personne sans emploi, n’a pas les moyens de donner de son argent.
Le monde associatif n’est pas le seul à répondre de se problème. L’implication en structure syndicale, l’investissement dans la vie de quartier ou en collectivité locale pour participer à la gérance de notre société, souffrent d’un manque de volontaires.

      L’activité culturelle n’est pas épargnée non plus. Les artistes sont de moins en moins soutenus par le statut d’intermittent du spectacle qui est même menacé.

Les étudiants doivent travailler pour payer leurs études. Il arrive généralement qu’un jeune travaille de week-end ou de nuit pour financer ses cours. Il n’a guère le temps pour ses révisions ou ses travaux du soir… encore moins pour souffler et prendre du temps pour participer aux activités culturelles ou sportives qui sont généralement payantes.
     Même l’emploi souffre aujourd’hui des mêmes raisons. La création de micro entreprise n’est pas accessible à tous. Il faut pour cela avoir des fonds de garantis (de l’argent de coté) avant d’ acquérir l’autonomie financière dans une entreprise naissante.
Mais surtout donner de son temps, c’est empiéter sur son temps libre. Ce temps libre, si cher à chacun et le plus souvent si réduit quand on a un emploi.

      Cette proposition du revenu de base, une fois retenue, permettrait à tout citoyen de s’impliquer dans la vie sociale (culture, association, politique etc.) de son pays sans que cela ne soit préjudiciable à ses besoins minimums.

C’est aussi et surtout, une nouvelle manière d’aborder le travail. Le travail n’est pas la seule activité créatrice de richesse dans notre société. Ainsi un artiste, un bénévole associatif, une personne engagée dans un syndicat ou en politique, dégagent de la richesse.
On peut donc considérer que ces activités sont un « travail ».
     De plus, pour le citoyen, il est possible de cumuler le revenu de base avec une activité rémunératrice (ou plusieurs). Il est possible d’exercer un emploi ! bien plus que le « coup de pouce » financier, cela permet de gérer ses choix de vie et son temps imparti au travail. Pour l’exemple, une personne pourrait faire le choix d’avoir un emploi salarié ou de créer sa micro entreprise sur la base de 15 heures semaine, de devenir bénévole dans une association et s’y consacrer 10 heures par semaine et se conserver le reste du temps pour la vie familiale et faire son potager… Chacun peut donc aborder le travail de façon plus sereine et sans crainte du chômage.

      On peut à tort s’imaginer, par ce revenu de base, construire une société de fainéant et de profiteurs ! Bien au contraire !

L’angoisse du chômage freine la motivation des jeunes à s’impliquer dans une voie. Le citoyen qui choisi sa voie de vie, son activité, son implication sociale, est plus investi et donc plus efficace. Et ce avec moins de tension et de gaspillage d’énergie.
« Mettre en place un revenu de base, c’est donner le choix à chaque individu de s’engager dans des activités auxquelles il donne du sens, et qui donc seront des activités productives de sens lorsqu’elles ne sont pas productives économiquement. C’est donc un puissant catalyseur, un formidable investissement dans de nouvelles activités, vectrices de richesse économique et sociale. » (Portail francophone sur le revenu de base)

      En France, certains outils d’aide sociale existent. Je pense aux allocations chômages ou au Revenu de Solidarité Active. Mais ces outils ne peuvent être cumulés avec un emploi à temps partiel.

Pour un allocataire du RSA, quelques heures travaillées peuvent suffire à perdre la totalité de cette aide ! Elle n’est pourtant pas suffisante pour assurer le minimum vital (se loger, se nourrir). Il est de plus démotivant, face à la complexité administrative (rendez-vous, justificatifs, temps de mis en place), d’accéder à ces dispositif et bon nombre de ménages éligibles au RSA n’en font pas les démarches. Ainsi, je pense que ces outils ne sont pas suffisant surtout quand le marché de l’emploi est au plus bas.
L’allocation chômage quand à elle est très inégale. Le calcule de l’indemnité est basé sur les revenus du précédant emploi et sur le temps de travail validé. C’est une inégalité face au risque du chômage qui concerne tout le monde (le coût de la vie est le même pour tous !). Il est de plus inaccessible pour le paysan ou l’artisan qui met un terme à son activité.

      Pour l’économie du pays, les bénéfices du revenu de base sont multiples. Ce sont d’abord des réductions de charge dans le coût de la santé, dans le cout de la précarité sociale, dans le cout de l’éducation, dans le cout des caisses retraites, etc.…

En effet, le seul dispositif du revenu de base pour tous, reviendrait à abolir les systèmes de gestion traditionnels et à simplifier la démarche administrative. Combien de services aujourd’hui pour faire fonctionner un système dont les moyens humains sont aujourd’hui très critiqués (nombres de postes insuffisants créant des pressions sur les fonctionnaires de l’aide sociale).
Le confort social des citoyens recevant ce salaire de base suffirait de plus à assurer leur quiétude. La population s’en ressentirait plus animée par le désir d’être active et ne serait pas brimer par une obligation de trouver un emploi quel qu’il soit. On peut donc imaginer mois de stress, moins d’arrêt de travail, etc., grâce à ce dispositif.
      Il ne faut pas oublier aussi qu’en France, de nombreuses personnes vivent dans la rue. Le problème n’est que purement économique. Certains de ces citoyens travaillent la journée mais dorment dans leur voiture faute de revenu suffisant !

      Avec le revenu de base pour tous, c’est l’assurance pour chacun de bénéficier en toute équité, des même moyens de subsistance pour accéder tous, à un confort de vie digne !

      Enfin, ce dispositif peut aussi permettre l’épanouissement de citoyens « multi-actifs ». Pourquoi vivre toute sa vie avec la « casquette » d’une seule profession ? Ne pourrait-on pas imaginer avec ce dispositif un retour à la terre de nombreux citoyens. Peut être que la voie du travail en collectif pourrait permettre à chacun de s’investir dans une activité agricole à mi temps et dans une implication sociale et pourquoi pas sur une troisième activité…


      Quel est l’obstacle aujourd’hui, pour tout un chacun, de faire son potager et produire une partie de son autosuffisance ? La terre n’est bien sûr (pour l’instant), difficilement accessible. Le programme des offices fonciers peut pallier à ce problème dans les années à venir. Mais l’obstacle est principalement le temps nécessaire à cette activité que l’on peut difficilement combiner avec un emploi à temps plein.

L’installation en collectif devient un cheminement de vie pour bon nombre d’entre nous. Aussi nous observons des familles actives, se regrouper autour d’un projet de vie en collectif. Le besoin rechercher par ces personnes est tout simplement un besoin de renouer avec la terre. Avoir un potager est un luxe aujourd’hui, c’est pourtant une activité pleine de sens qui devrait être accessible à tous ! Les familles qui font le choix aujourd’hui de se retour vers une vie où l’on se partage l’espace et les contraintes font un retour gagnant. Ils mutualisent un espace de vie (maison, assainissement, mode de production énergétique), mènent une vie avec conjointement un travail à temps partiel à l’extérieur et mutualisent un potager ou un petit élevage.
      Ce genre de projet n’est pour l’instant accessible qu’a une partie de la population généralement en fin de carrière (plus de 50 ans). Car il nécessite tout de même un investissement. Le programme généré par le revenu de base pourrait permettre rapidement à l’ensemble de la population, de franchir ce pas !

      Nous savons bel et bien que notre société n’a plus les pieds sur terre ! Le lien au sol n’est plus vrai pour majeure parti de notre agriculture, mais c’est le cas aussi pour la grande majorité de nos concitoyens !




Mikaël HARDY, école paysanne 35.

Une utopie - Discours 3

    UNE UTOPIE

      "projet d'organisation politique idéale, considéré comme irréalisable"


discours n°3




La civilisation, c'est l'état d'évolution d'une société, tant sur le plan technique, intellectuel, politique que moral. La civilisation développe des normes de comportements en société, ce comportement civilisé est celui qui permet aux hommes de vivre ensemble pacifiquement.

Notre civilisation est née sur les restes de l'Empire Romain et a longtemps été appelée Judéo-chrétienne. Cette dénomination vient du moyen-age car à l'époque la religion était omniprésente. On parle maintenant de civilisation occidentale. Mais on pourrait tout aussi bien l’appeler de manière plus explicite : « la civilisation des Marchands ».

Les Marchands sont des individus qui accumulent des richesses et spéculent avec.
C'est à dire qu'ils espèrent un bénéfice en anticipant sur l' évolution des cours des biens ou des matières premières. Ils ne produisent rien, ne fabriquent ni ne construisent rien, n'écrivent pas, ne chantent pas. Ils n'apportent absolument rien à la société mais vivent à ses crochets en spéculant sur le travail des autres. C'est à dire qu'en amassant des richesses, ils redéfinissent la valeur du travail et des biens : valeur qui n'a pas de lien avec la réalité de ce travail ou la nécessité des biens. Car au fur et à mesure du temps, ces Marchands se sont donner les moyens d'influencer l'évolution des cours, pour être sûr de leurs bénéfices.

Notre civilisation est pour cela radicalement différente de toutes celles qui nous ont précédés, de par la place accordée à la Propriété Privée.

Dans les civilisations précédentes (en gros les 9000 mille dernières années!), les grandes dynasties royales (orientales, extrême-orientales, égyptiennes, et américaines) détruisaient périodiquement les foyers de marchands autonomes qui s'enrichissaient aux dépens de la société et à leurs dépens .
Ces dynasties prélevaient des impôts mais elles étaient légitimes sur ce point car finançaient les grands travaux agricoles (irrigation), organisaient, avec les fonctionnaires et les prêtres, les échanges, dans le pays et avec les pays voisins.
La terre était nationale, personne ne pouvait en devenir propriétaire individuel, par contre l'usufruit, l'utilisation, pouvaient en être collectifs ou individuels.
Ces dispositions rendaient inaliénable la terre et le territoire. La société dans son ensemble était d'accord sur ce principe.

Il ne s'agit pas ici de promouvoir les dynasties mais de mettre en avant une autre conception du monde et de la place de l'humain dans celui-ci.
Notre civilisation a démarré avec les mêmes principes, du fait de l'héritage chrétien.
Mais au fil des siècles, les monarchies européennes ont peu à peu arrêté de ruiner périodiquement ces Marchands, préférant les utiliser pour financer les guerres ou les grands ouvrages.
Avec les Lumières qui portent les idéaux d'émancipation de l'être humain, les Marchands imposent leur droit à la liberté d’entreprise.

La Révolution Française a été l'opportunité pour ces Marchands, devenus notables, d’asseoir leur légitimité. La III ème République (1870-1940) impose finalement les principes républicains mais sous l'égide d'hommes représentant les idées et intérêts des Marchands. Ils sont d'ailleurs baptisés les « Opportunistes » et il est intéressant de noter que cette République est porteuse des trois guerres avec l'Allemagne.


Les bases du droit économique et social français sont écrient à cette période. C'est l'age d'or de la petite propriété.
Cent ans plus tard le capitalisme total a soumis les États.
Ainsi pour la première fois depuis la sédentarisation de l'être humain, des individus s’approprient ce qui jusque là a toujours été considéré comme un bien commun : la terre et les richesses qui en découlent.

Il est temps de faire une pause ici car j'ai quand même utilisé des gros mots ! « Civilisation des Marchands » : mais c'est Marxiste ça !
Et oui ! Mais il est bon de rappeler qu'avant d'être économiste, Karl Marx était historien.
Avant d'avancer les thèses socio-économiques que l'on connaît, il a dressé un bilan de notre civilisation et que l'on soit d'accord ou pas avec ses théories (et ce n'est vraiment pas le sujet ici !) on ne peut remettre en cause la véracité historique qu'il a mis en évidence avec la civilisation des Marchands.

S'interroger sur la propriété privée foncière aujourd'hui c'est donc mettre en question cet état de fait car la nationalisation des terres n'a rien d'aberrant, c'est au contraire réaffirmer un principe qui fait loi depuis l'origine des sociétés humaines.
Car malgré ce que l'on veut nous faire croire aujourd'hui le capitalisme n'est pas un régime politique ; à savoir l'art de vivre ensemble ; mais un système économique ; soit l'art de gérer les biens. Ce sont deux choses totalement différentes. Le capitalisme est un système économique fondé sur la primauté des capitaux privés.

La propriété privée est vécue aujourd'hui comme le summum de la liberté ; mais c'est bien pour les Marchands, que c'est une liberté. Liberté d'accumuler et de spéculer.
La propriété privée a usurpée sa place au sein de notre société, en se faisant passer pour ce qu'elle n'est pas : une liberté individuelle, alors qu'au contraire c'est l'affirmation de la loi du plus fort.

Toute notre organisation sociale est basée sur la capacité (ou non!) de chacun à accumuler des capitaux. Le niveau de cette accumulation dicte la place à laquelle chacun peut ainsi prétendre. Ainsi la qualité humaine se résume à ce qu'elle rapporte. Nous sommes aujourd'hui parqués dans des cases étroites qui occultent totalement la complexité et la sacralité de la vie humaine.

Le capitalisme n'est jamais rassasié, sa raison d'être est de croître sans limites. C'est aussi pour cela qu'il s’accommode si bien du progrès technique et scientifique car la production de nouvelles richesses engendre forcément de nouveaux profits. Dans cette logique, que ces richesses soient utiles ou non à l'humanité n'est pas une question qui se pose.
Le propre du capitalisme est donc de diviser, puisqu'il ne s'agit pas de partager mais d'accaparer. Diviser les individus, les États, les Régions. C'est pourquoi le capitalisme est de nature guerrière, car sous tendu par l’agressivité de l'accaparement.

Mais s'opposer au capitalisme n'est pas s'opposer à l'économie de marché.
L' économie de marché découle des échanges rendus nécessaires par une plus grande spécialisation du travail : Chacun produit un bien spécifique et doit échanger avec les autres pour se procurer les biens qu'il ne produit pas.
Elle naît de la transition entre la vie primitive et la vie civilisée, entre la pré-histoire et l'histoire, entre le nomadisme et la sédentarisation. Mais elle n'a besoin en rien de l'accumulation.
Le capitalisme n'est pas une économie de marché, c'est l'économie des Marchands. Remettre en cause la Propriété Privée signifie donc remettre en cause l'accumulation, pas les échanges.

Notre civilisation arrive aujourd'hui à un tournant majeur car son but est atteint. Les Marchands ont accumulé, accumulé (aujourd'hui les 10 % les plus riches détiennent 86 % de la richesse mondiale) et l'assouvissement de cet objectif ne laisse que deux voies possibles :
soit on rase tout pour relancer le processus de production et d'accumulation (une bonne petite guerre et ça repart !)
soit on change de paradigme, c'est à dire qu'on invente de nouvelles normes de civilité, de savoir vivre ensemble.

Parler de Réforme Agraire peut surprendre mais la réforme agraire libérale est, elle, déjà en marche : la ferme des 1000 vaches nous le montre.
Notre syndicat a donc un rôle essentiel à jouer pour proposer une autre réforme agraire, un nouveau modèle agricole, qui assure notre souveraineté alimentaire et redéfinisse des normes de civilités plus humanistes.
Bien sûr revenir à Marx (encore une fois l'historien et pas l'économiste) peut faire peur à certains mais il est temps que la gauche se décharge de sa culpabilité !
Si nos aînés sont blasés de ces utopies, les plus jeunes, eux, sont enragés face à ce monde qu'on leur a légué !

Nous avons besoin d'imaginer autre chose !
Remettre en cause la propriété privée peut s'imaginer autrement que par la « dictature du prolétariat »!
Parler de retour à la terre peut s'imaginer autrement que par la « révolution culturelle maoïste » !
Le projet de loi d'Aménagement du Territoire et du Cadre de Vie que propose Edgard Pisani dans son « Utopie foncière » peut résoudre la majeure partie des problèmes que nous connaissons aujourd'hui quand à l'accès au foncier et a le mérite d'être prête à l'emploi.

L'utopie est définie dans le dictionnaire par : « un projet d'organisation politique idéale, considéré comme irréalisable ».
« considéré » : nul doute que les mouvements féministes des années 1920 réclamant le droit de vote, les premiers noirs qui ont lancés le mouvement des droits civiques aux États-Unis, pour ne citer qu'eux, ont sûrement dû être qualifiés d'utopistes en leur temps.

Alors qu'attendons nous pour être utopistes !




Clarisse Prod'homme, école paysanne 35

Histoire des luttes paysannes - Discours 2

Histoire des luttes paysannes, ou comment les paysans sont devenus propriétaires de leurs terres.



Suite à l’intervention de Joseph Louazel sur l’histoire des luttes paysannes.



    Retour en arrière ; la vie rurale au temps de nos aïeux semblait rude. Mais d’où vient cette
nostalgie que l’on ressent auprès du discours de nos grands parents ? On nous confie des
ambiances conviviales, de la solidarité, un équilibre de vie suivant les rythmes des saisons.
Est-ce une vie rude par manque de confort ou plutôt vis-à-vis du confort qui nous a formaté
aujourd’hui ?

       Revenons plus loin encore, au moment de la Révolution Française. Les terres, les exploitations, appartenaient aux nobles ou à l’Eglise. Les fermiers travaillaient la terre pour survivre (agriculture vivrière), mais surtout au profit de leurs propriétaires, qui en fait les exploitaient.
       La révolution bourgeoise avait dépossédé la royauté de ses terres, qui contraint par l’endettement à du mettre en vente son bien ou plutôt le bien de tous. Seul (ou presque) la bourgeoisie en est devenu propriétaire.
A la lecture d’un titre de notaire des ancêtres de Josèphe Louazel (1817) on imagine bien la vie du fermier. Il doit tout au noble, au risque de se voire délogé s’il déroge aux conditions du bail (partage des récoltes, mise à disposition d’un jardinier pour entretenir le jardin de la propriété...).
    De 1844 à 1848 c’est la 2ème république. Puis après Napoléon 3, sonne en 1870 la naissance
de la 3ème république. Le monde paysan y gagne un grand changement. L’école est
obligatoire et les « culs terreux » jouissent de la possibilité de s’instruire. Apprendre à lire et
compter représente la possibilité de se défendre un peu mieux face à la bourgeoisie et aux
notables.
    En 1880, le monde paysan obtient le droit de créer des syndicats pour se défendre. Mais à cette époque, c’est toujours un noble qui prendra le pouvoir de ces syndicats. Le seul à pouvoir se présenter à des élections. Puis les Nobles se lancent dans l’industrie et cherche à se désengager
du monde agricole pour investir le monde ouvrier. Ils mettent en vente leurs terres et les paysans les achètent pour devenir enfin maitre de leur outil de travail.
Les grandes heures de la mécanisation agricole se mettent à défiler...
     
      Le monde paysan maitrise bien et depuis toujours son auto suffisance alimentaire. C’est ce qui lui a permis de survivre aux grandes guerres notamment à celle de 1914. Ce savoir ancestral permet à la population rurale de survivre et d’affronter la crise économique qui gagne le pays.
      Après 1914, le monde paysan demande à prendre les rennes aux représentations de leurs syndicats. Ce n’est pas à la noblesse de représenter la société des travailleurs ruraux ! Les communistes créés le syndicat des « paysans travailleurs ». Des écoles du soir sont organisées... les premières « écoles paysannes » !
     En 1920 la question des Office Foncier est pour la première fois posée. Bien appuyé par les communistes, le projet n'aboutit pourtant pas.
Les paysans sont contre du fait de l’ambivalence des communistes qui prônent la collectivité
des terres pour les « gros » et pas pour les « petits ». Mais qui est « gros », qui est « petit » ?
       De jeunes curées prennent aussi la défense des paysans. L’Abbé Mancel (mort dans la misère à Bain de Bretagne dans les années 40 ; abandonné par l'Eglise), a été l’un des pionniers dans notre région. L’évêché ne voit pas d’un bon oeil ce lien trop établit par ce petit curé et les paysans hors de l’Eglise. L’évêque Laroche de Rennes essayera de diviser ce petit mouvement en mutant régulièrement le petit curé pour l'éloigner de ses sympathisants. Mais cela fit l’effet inverse. Cette dispersion contamina tous le pays de la prêche du petit curé qui baladé de paroisse en paroisse... balada son discourt.
La même histoire fit boule de neige dans le monde ouvrier...
On peut y voir les prémices de ce que l’on appellera plus tard la JAC... (Jeunesse agricole
catholique)
      Dans les années 30, la crise intervient dans le pays avec les politiques de colonisation. En effet, si la France pose le pied en Algérie, elle revient au pays avec le vin des chaudes terres nord africaines. Ce qui fera chuter le court et engendrera la faillite de certains vignobles français...
L’économie du pays avec le profit engendré par la colonisation augmente, mais les revenus des paysans baissent !
     
    1920 à 1940 voit la naissance de nombreux syndicats d’idéologie soit bourgeoise, soit catholique soit communiste. Difficile pour le paysan de faire un choix. On ne peut être ni contre son propriétaire et ni contre … l’Eglise !
1936, arrivé des congés payés avec Léon Blum au pouvoir en France. Pour les paysans c’est aussi l’entrée en vigueur des Offices du Blé !
Le blé se vend mal à cette époque et l’Etat par ces Offices, organise le stockage du blé et le prix garantit pour le cultivateur !
Dans la foulé, pourquoi ne pas lancer les « Offices Fonciers » ... mais la guerre intervient et stop une nouvelle fois l’emballement sur ce projet.
      En 1940 il y a donc plusieurs courants syndicaux. Pétain prend le pouvoir du pays il dissout les syndicats et regroupe toute l’agriculture dans ce qu’on appelle la corporation.
    De Gaule prend le pouvoir en 1944. Il choisit Tanguy Prigent comme ministre de l’agriculture. Prigent est issu du milieu « paysan travailleur »... un homme de gauche. De Gaule ne peut pas piffrer la droite paysanne qui a organisé de gré ou de force les réquisitions alimentaires pour l’occupant. Avec ce ministre de gauche il supprime la corporation.
Ils mettent en place la CGA (confédération générale de l’agriculture) qui représente l’ensemble de l’agriculture par branche composé de la FNSEA, de la MSA et des coopératives.
        Le Ministre Prigent prend donc les commandes et relance l’idée des Offices Fonciers. La encore il faut attendre...
Mais il réussit tout de même à mettre en place le « statut du Fermage », grand soulagement pour le monde paysan. Pour la première fois les paysans ne pourrons plus être mis à la porte par leur propriétaire. C’est la fin des privilèges pour la noblesse !!
    La fnsea avec Blondel à sa tête va progressivement reprendre en main toutes les organisations agricoles et la CGA sera vidé de ses objectifs et disparaitra au profit de la Fnsea.
       La JAC se développe dans le monde rural et améliore la vie et l’état d’esprit du monde agricole. Certains jeunes cherchent même à prendre du pouvoir à la FNSEA...
Blondel et la FNSEA contre attaque et créée les syndicats JA pour fermer le clapet de ses jeunes qu’il juge... un peut trop révolutionnaires... il faudra passer par la case JA et attendre l’âge de 35 ans pour rentrer dans le système FNSEA...
      En 1957 l’Europe se construit avec la création de la CEE. La FNSEA en profite pour changer leur stratégie. Blondel, laisse les rennes aux JA et passe la présidence de la FNSEA... aux éleveurs «Debatisse» à condition de lui laisser la liberté dans les responsabilités Européennes CEE.
Blondel et ses successeurs négocierons les grands projets de prime et de maitrise du prix des céréales à l’Europe !
Dans le grand ouest, le syndicat est la FRSEAO (ouest). Deux leadeurs prennent de l’élan :
       Bernard Lambert et Bernard Tarot. Tous deux de gauche. Le projet des Offices Fonciers leur tient à cœur. Bernard Lambert se présente aux élections législatives et sera élu député en Loire-Atlantique Bernard Tarot est président du CNJA. Il perd les élections (score à 48%.) battu par Debatisse soutenu par les céréaliers.
      On revient en 1960, De Gaule à repris le pouvoir en 1958. Il place Pisani (ami de Lambert) au
Ministère de l’Agriculture. De Gaule favorise le CNJA car il est toujours opposé à la FNSEA.
Lambert est à cette époque, président de la CAVAC (coopérative d’éleveurs de volailles en intégration).
       Avec Pisani de nombreux jeunes paysans issus de la JAC s’engagent dans le mouvement coopératif,
les CA des banques, pour gérer l’agriculture.
C’est avec les lois d’orientation la mise en place des commissions des structures, des SAFER
des groupements de producteurs. Beaucoup de bonnes idées de répartition vers ceux qui
ont le plus besoin. Très tôt ces mesures vont déplaire aux libéraux de la FNSEA et l’esprit de répartition ne fera pas long feu.
     
       A partir de Mai 68 la gestion des organismes économiques par des syndicalistes de gauche est remise en cause. C’est incompatible de défendre des travailleurs et de gérer la coop qui les emplois voir les exploite.
Dans les années 70 c’est à l’intérieur du CNJA et de la FNSEA que la gauche paysanne porte ce débat. En 1973, le syndicat « Paysans travailleurs » est créé Lambert, comme d’autres, comprennent qu’il est difficile de changer le système de l’intérieur.

De 1973 à 1981, le syndicat Paysans Travailleurs est très minoritaire...

En 1977, Pisani sort son livre « Utopie Foncière », préfacé par son allier, Michel Rocard qui fait partis à l’époque, des politiques en soif de révolution.

1981...
François Mitterrand devient Président de la République Française... la gauche prend le pouvoir !
Rocard est dans le Gouvernement et c’est une femme ; Edith Cresson, qui devient Ministre de l’agriculture. Mais très vite Mitterrand cède et remplace Cresson par Rocard. La gauche au pouvoir, une femme Ministre de l’agriculture, ça fait trop d’un coup... la FNSEA « dégomme » Cresson en mobilisant 100 000 paysans dans une manif à Paris. 
Mais Edith Cresson aura tout de même le temps d’imposer le pluralisme syndical !
     
     Les «paysans travailleurs» deviennent les «travailleurs paysans» en se regroupant avec plusieurs dissidents FNSEA
Des FDSEA et CDJA de gauche comme la Loire Atlantique, le puy de dôme deviennent la FNSP.
Ce qui fait que 2 courants de gauche s’installent dans le paysage syndical de l’agriculture
Française.
Le 25 juin 1984, Bernard Lambert perd la vie dans un accident de voiture. C’est le choc ! Les
offices Fonciers sont alors en pleine négociation entre les 2 syndicats et Rocard qui n’aura
jamais le courage ou le poids politique de les mettre en place.
En 1987 le FNSP et Travailleurs Paysans fusionnent et nait la Confédération Paysanne. Mais
des suites de ce mariage, le projet d’Offices Foncier retombe dans les oubliettes... 
      Encore aujourd’hui le monde paysan est en lutte. Le paysan bataille toute sa carrière pour amortir un endettement. La bataille est d’autant plus rude quand il faut acheter les terres.
Les moyens de production s’en trouvent donc plus important, il faut se moderniser, s’agrandir pour s’en sortir. Ce combat, c’est la fierté du paysan. De ces mains, il réalise une œuvre et trace sa route vers la liberté.
Malheureusement cette bataille rend moins indépendant le paysan. Le jardin familial, la bassecour, le cochon que l’on engraisse, les conserves que l’on organise pour l’hiver, etc.
Tout cela prend du temps, et le paysan n’a plus le temps ! A peine le temps pour des vacances, les loisirs ou pour du temps libre en famille...
L’agriculture vivrière n’est plus. Nous sommes aujourd’hui dans un monde de commerce de marchandises et de matières premières...
        Tout cela rentre en conflit le jour où le paysan cède son activité pour la transmettre à un jeune. Vendre ses animaux, sa terre, sa ferme... s’est un peu aussi vendre son âme, sa vie, sa lutte... et sa fierté de s’être battu toute une vie pour gagner ce sentiment de liberté !
Et pourquoi vendre son capital ? Mais pour profiter d’une autre vie, celle qu’il n’a pas eu le temps de vivre ! Et puis paysan, c’est vivre pauvre pour mourir riche...
Alors comment ? Comment peut on aujourd’hui « déposséder » le paysan qui à passé toute une vie, aux prix de nombreux sacrifices, pour finalement, éprouver un sentiment amer en fin de carrière...
       Car vendre ce capital est obligatoire s’il veut acheter une maison pour la retraite. Mais le pas est très dure à franchir, vendre une vie de labeur, ça n’a pas de prix !
Alors pourquoi vivre une carrière pour accumuler une richesse dont on devra très vite se séparer. C’est du capitalisme ça ! Et le paysan ne supporte pas le capitalisme. Il s’est même battu contre, toute sa vie !
Mais à qui donc profite le crime ? Et est ce que le programme des Offices Fonciers n’est pas une opposition au Capitalisme ? Ce Capitalisme qui a tout joué pour faire échouer pendant de longues années les tentatives d’expérimentation de ce programme porteur d’insoumission du monde paysan. 

        Si le paysan pouvait mener sa vie sans l’endettement. Sans tant de sacrifices. Pour finalement arriver en fin de carrière avec le sentiment d’être passé à coté de quelque chose. Peut être que tout simplement, la qualité de vie des paysans pourrait être considérablement améliorée si l’endettement n’était plus nécessaire, obligatoire, vitale... pour survivre.
          C’est pourquoi je pense que le programme de Pisani sur les Offices Fonciers est une piste de
réflexion enrichissante pour l’avenir du monde paysan. Mais pas seulement ! Car le jour ou le monde paysan ne vivra plus sous la contraire, c’est toute la société qui s’en trouvera gagnante. 
Car c’est le paysan qui fait l’équilibre dans une société !



Mickaël Hardy, école paysanne 35
avril 2014