dimanche 26 octobre 2014

Histoire des luttes paysannes - Discours 2

Histoire des luttes paysannes, ou comment les paysans sont devenus propriétaires de leurs terres.



Suite à l’intervention de Joseph Louazel sur l’histoire des luttes paysannes.



    Retour en arrière ; la vie rurale au temps de nos aïeux semblait rude. Mais d’où vient cette
nostalgie que l’on ressent auprès du discours de nos grands parents ? On nous confie des
ambiances conviviales, de la solidarité, un équilibre de vie suivant les rythmes des saisons.
Est-ce une vie rude par manque de confort ou plutôt vis-à-vis du confort qui nous a formaté
aujourd’hui ?

       Revenons plus loin encore, au moment de la Révolution Française. Les terres, les exploitations, appartenaient aux nobles ou à l’Eglise. Les fermiers travaillaient la terre pour survivre (agriculture vivrière), mais surtout au profit de leurs propriétaires, qui en fait les exploitaient.
       La révolution bourgeoise avait dépossédé la royauté de ses terres, qui contraint par l’endettement à du mettre en vente son bien ou plutôt le bien de tous. Seul (ou presque) la bourgeoisie en est devenu propriétaire.
A la lecture d’un titre de notaire des ancêtres de Josèphe Louazel (1817) on imagine bien la vie du fermier. Il doit tout au noble, au risque de se voire délogé s’il déroge aux conditions du bail (partage des récoltes, mise à disposition d’un jardinier pour entretenir le jardin de la propriété...).
    De 1844 à 1848 c’est la 2ème république. Puis après Napoléon 3, sonne en 1870 la naissance
de la 3ème république. Le monde paysan y gagne un grand changement. L’école est
obligatoire et les « culs terreux » jouissent de la possibilité de s’instruire. Apprendre à lire et
compter représente la possibilité de se défendre un peu mieux face à la bourgeoisie et aux
notables.
    En 1880, le monde paysan obtient le droit de créer des syndicats pour se défendre. Mais à cette époque, c’est toujours un noble qui prendra le pouvoir de ces syndicats. Le seul à pouvoir se présenter à des élections. Puis les Nobles se lancent dans l’industrie et cherche à se désengager
du monde agricole pour investir le monde ouvrier. Ils mettent en vente leurs terres et les paysans les achètent pour devenir enfin maitre de leur outil de travail.
Les grandes heures de la mécanisation agricole se mettent à défiler...
     
      Le monde paysan maitrise bien et depuis toujours son auto suffisance alimentaire. C’est ce qui lui a permis de survivre aux grandes guerres notamment à celle de 1914. Ce savoir ancestral permet à la population rurale de survivre et d’affronter la crise économique qui gagne le pays.
      Après 1914, le monde paysan demande à prendre les rennes aux représentations de leurs syndicats. Ce n’est pas à la noblesse de représenter la société des travailleurs ruraux ! Les communistes créés le syndicat des « paysans travailleurs ». Des écoles du soir sont organisées... les premières « écoles paysannes » !
     En 1920 la question des Office Foncier est pour la première fois posée. Bien appuyé par les communistes, le projet n'aboutit pourtant pas.
Les paysans sont contre du fait de l’ambivalence des communistes qui prônent la collectivité
des terres pour les « gros » et pas pour les « petits ». Mais qui est « gros », qui est « petit » ?
       De jeunes curées prennent aussi la défense des paysans. L’Abbé Mancel (mort dans la misère à Bain de Bretagne dans les années 40 ; abandonné par l'Eglise), a été l’un des pionniers dans notre région. L’évêché ne voit pas d’un bon oeil ce lien trop établit par ce petit curé et les paysans hors de l’Eglise. L’évêque Laroche de Rennes essayera de diviser ce petit mouvement en mutant régulièrement le petit curé pour l'éloigner de ses sympathisants. Mais cela fit l’effet inverse. Cette dispersion contamina tous le pays de la prêche du petit curé qui baladé de paroisse en paroisse... balada son discourt.
La même histoire fit boule de neige dans le monde ouvrier...
On peut y voir les prémices de ce que l’on appellera plus tard la JAC... (Jeunesse agricole
catholique)
      Dans les années 30, la crise intervient dans le pays avec les politiques de colonisation. En effet, si la France pose le pied en Algérie, elle revient au pays avec le vin des chaudes terres nord africaines. Ce qui fera chuter le court et engendrera la faillite de certains vignobles français...
L’économie du pays avec le profit engendré par la colonisation augmente, mais les revenus des paysans baissent !
     
    1920 à 1940 voit la naissance de nombreux syndicats d’idéologie soit bourgeoise, soit catholique soit communiste. Difficile pour le paysan de faire un choix. On ne peut être ni contre son propriétaire et ni contre … l’Eglise !
1936, arrivé des congés payés avec Léon Blum au pouvoir en France. Pour les paysans c’est aussi l’entrée en vigueur des Offices du Blé !
Le blé se vend mal à cette époque et l’Etat par ces Offices, organise le stockage du blé et le prix garantit pour le cultivateur !
Dans la foulé, pourquoi ne pas lancer les « Offices Fonciers » ... mais la guerre intervient et stop une nouvelle fois l’emballement sur ce projet.
      En 1940 il y a donc plusieurs courants syndicaux. Pétain prend le pouvoir du pays il dissout les syndicats et regroupe toute l’agriculture dans ce qu’on appelle la corporation.
    De Gaule prend le pouvoir en 1944. Il choisit Tanguy Prigent comme ministre de l’agriculture. Prigent est issu du milieu « paysan travailleur »... un homme de gauche. De Gaule ne peut pas piffrer la droite paysanne qui a organisé de gré ou de force les réquisitions alimentaires pour l’occupant. Avec ce ministre de gauche il supprime la corporation.
Ils mettent en place la CGA (confédération générale de l’agriculture) qui représente l’ensemble de l’agriculture par branche composé de la FNSEA, de la MSA et des coopératives.
        Le Ministre Prigent prend donc les commandes et relance l’idée des Offices Fonciers. La encore il faut attendre...
Mais il réussit tout de même à mettre en place le « statut du Fermage », grand soulagement pour le monde paysan. Pour la première fois les paysans ne pourrons plus être mis à la porte par leur propriétaire. C’est la fin des privilèges pour la noblesse !!
    La fnsea avec Blondel à sa tête va progressivement reprendre en main toutes les organisations agricoles et la CGA sera vidé de ses objectifs et disparaitra au profit de la Fnsea.
       La JAC se développe dans le monde rural et améliore la vie et l’état d’esprit du monde agricole. Certains jeunes cherchent même à prendre du pouvoir à la FNSEA...
Blondel et la FNSEA contre attaque et créée les syndicats JA pour fermer le clapet de ses jeunes qu’il juge... un peut trop révolutionnaires... il faudra passer par la case JA et attendre l’âge de 35 ans pour rentrer dans le système FNSEA...
      En 1957 l’Europe se construit avec la création de la CEE. La FNSEA en profite pour changer leur stratégie. Blondel, laisse les rennes aux JA et passe la présidence de la FNSEA... aux éleveurs «Debatisse» à condition de lui laisser la liberté dans les responsabilités Européennes CEE.
Blondel et ses successeurs négocierons les grands projets de prime et de maitrise du prix des céréales à l’Europe !
Dans le grand ouest, le syndicat est la FRSEAO (ouest). Deux leadeurs prennent de l’élan :
       Bernard Lambert et Bernard Tarot. Tous deux de gauche. Le projet des Offices Fonciers leur tient à cœur. Bernard Lambert se présente aux élections législatives et sera élu député en Loire-Atlantique Bernard Tarot est président du CNJA. Il perd les élections (score à 48%.) battu par Debatisse soutenu par les céréaliers.
      On revient en 1960, De Gaule à repris le pouvoir en 1958. Il place Pisani (ami de Lambert) au
Ministère de l’Agriculture. De Gaule favorise le CNJA car il est toujours opposé à la FNSEA.
Lambert est à cette époque, président de la CAVAC (coopérative d’éleveurs de volailles en intégration).
       Avec Pisani de nombreux jeunes paysans issus de la JAC s’engagent dans le mouvement coopératif,
les CA des banques, pour gérer l’agriculture.
C’est avec les lois d’orientation la mise en place des commissions des structures, des SAFER
des groupements de producteurs. Beaucoup de bonnes idées de répartition vers ceux qui
ont le plus besoin. Très tôt ces mesures vont déplaire aux libéraux de la FNSEA et l’esprit de répartition ne fera pas long feu.
     
       A partir de Mai 68 la gestion des organismes économiques par des syndicalistes de gauche est remise en cause. C’est incompatible de défendre des travailleurs et de gérer la coop qui les emplois voir les exploite.
Dans les années 70 c’est à l’intérieur du CNJA et de la FNSEA que la gauche paysanne porte ce débat. En 1973, le syndicat « Paysans travailleurs » est créé Lambert, comme d’autres, comprennent qu’il est difficile de changer le système de l’intérieur.

De 1973 à 1981, le syndicat Paysans Travailleurs est très minoritaire...

En 1977, Pisani sort son livre « Utopie Foncière », préfacé par son allier, Michel Rocard qui fait partis à l’époque, des politiques en soif de révolution.

1981...
François Mitterrand devient Président de la République Française... la gauche prend le pouvoir !
Rocard est dans le Gouvernement et c’est une femme ; Edith Cresson, qui devient Ministre de l’agriculture. Mais très vite Mitterrand cède et remplace Cresson par Rocard. La gauche au pouvoir, une femme Ministre de l’agriculture, ça fait trop d’un coup... la FNSEA « dégomme » Cresson en mobilisant 100 000 paysans dans une manif à Paris. 
Mais Edith Cresson aura tout de même le temps d’imposer le pluralisme syndical !
     
     Les «paysans travailleurs» deviennent les «travailleurs paysans» en se regroupant avec plusieurs dissidents FNSEA
Des FDSEA et CDJA de gauche comme la Loire Atlantique, le puy de dôme deviennent la FNSP.
Ce qui fait que 2 courants de gauche s’installent dans le paysage syndical de l’agriculture
Française.
Le 25 juin 1984, Bernard Lambert perd la vie dans un accident de voiture. C’est le choc ! Les
offices Fonciers sont alors en pleine négociation entre les 2 syndicats et Rocard qui n’aura
jamais le courage ou le poids politique de les mettre en place.
En 1987 le FNSP et Travailleurs Paysans fusionnent et nait la Confédération Paysanne. Mais
des suites de ce mariage, le projet d’Offices Foncier retombe dans les oubliettes... 
      Encore aujourd’hui le monde paysan est en lutte. Le paysan bataille toute sa carrière pour amortir un endettement. La bataille est d’autant plus rude quand il faut acheter les terres.
Les moyens de production s’en trouvent donc plus important, il faut se moderniser, s’agrandir pour s’en sortir. Ce combat, c’est la fierté du paysan. De ces mains, il réalise une œuvre et trace sa route vers la liberté.
Malheureusement cette bataille rend moins indépendant le paysan. Le jardin familial, la bassecour, le cochon que l’on engraisse, les conserves que l’on organise pour l’hiver, etc.
Tout cela prend du temps, et le paysan n’a plus le temps ! A peine le temps pour des vacances, les loisirs ou pour du temps libre en famille...
L’agriculture vivrière n’est plus. Nous sommes aujourd’hui dans un monde de commerce de marchandises et de matières premières...
        Tout cela rentre en conflit le jour où le paysan cède son activité pour la transmettre à un jeune. Vendre ses animaux, sa terre, sa ferme... s’est un peu aussi vendre son âme, sa vie, sa lutte... et sa fierté de s’être battu toute une vie pour gagner ce sentiment de liberté !
Et pourquoi vendre son capital ? Mais pour profiter d’une autre vie, celle qu’il n’a pas eu le temps de vivre ! Et puis paysan, c’est vivre pauvre pour mourir riche...
Alors comment ? Comment peut on aujourd’hui « déposséder » le paysan qui à passé toute une vie, aux prix de nombreux sacrifices, pour finalement, éprouver un sentiment amer en fin de carrière...
       Car vendre ce capital est obligatoire s’il veut acheter une maison pour la retraite. Mais le pas est très dure à franchir, vendre une vie de labeur, ça n’a pas de prix !
Alors pourquoi vivre une carrière pour accumuler une richesse dont on devra très vite se séparer. C’est du capitalisme ça ! Et le paysan ne supporte pas le capitalisme. Il s’est même battu contre, toute sa vie !
Mais à qui donc profite le crime ? Et est ce que le programme des Offices Fonciers n’est pas une opposition au Capitalisme ? Ce Capitalisme qui a tout joué pour faire échouer pendant de longues années les tentatives d’expérimentation de ce programme porteur d’insoumission du monde paysan. 

        Si le paysan pouvait mener sa vie sans l’endettement. Sans tant de sacrifices. Pour finalement arriver en fin de carrière avec le sentiment d’être passé à coté de quelque chose. Peut être que tout simplement, la qualité de vie des paysans pourrait être considérablement améliorée si l’endettement n’était plus nécessaire, obligatoire, vitale... pour survivre.
          C’est pourquoi je pense que le programme de Pisani sur les Offices Fonciers est une piste de
réflexion enrichissante pour l’avenir du monde paysan. Mais pas seulement ! Car le jour ou le monde paysan ne vivra plus sous la contraire, c’est toute la société qui s’en trouvera gagnante. 
Car c’est le paysan qui fait l’équilibre dans une société !



Mickaël Hardy, école paysanne 35
avril 2014


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