Quelle propriété privée pour demain ?
Discours n°8
L'agriculture
est la base de toute société humaine puisqu'elle assure la
production de nourriture.
Le
choix du modèle agricole est fondamental car de lui découle toute
l'organisation de la société.
Pour
changer une société il faut donc commencer par réfléchir le
modèle agricole.
Au
cours du siècle passé, le capitalisme et le communisme nous ont
proposé deux modèles opposés de développement agricole. L'un basé
sur l'individualisme, l'autre sur le collectivisme. Chacun a montré
ses atouts et ses faiblesses mais aucun n'a été concluant pour
bâtir une société humaniste, c'est à dire qui affirme la valeur
de la personne humaine et vise à l'épanouissement de celle-ci.
La
proposition d'Edgard Pisani avec les Offices Fonciers se veut un
juste milieu, une conciliation entre la gestion collective des terres
(car la société dans son ensemble à son mot à dire sur la
production de nourriture) et un usage privatif (car la liberté c'est
le respect des choix de vie de chacun).
L'expérience
montre que l'unité agricole la plus nourricière (c'est à dire à
la fois productive, écologique et humaine) est la ferme paysanne
familiale. Pour que notre société assure sa sécurité alimentaire
tout en respectant l'Homme et la nature, il faut donc encourager et
soutenir ce type d'agriculture.
A
l'heure actuelle cette forme agricole est mise à mal par le poids
des biens de production (achat des terres et des bâtiments).
L'industrialisation de l'agriculture et la spéculation foncière ont
conduit au surendettement de la paysannerie. Surendettement qui
freine aujourd'hui l'installation des jeunes et met donc en péril
notre souveraineté alimentaire pour les années à venir.
Surendettement qui oppresse les paysans et est à l'origine de
nombreux suicides.
Les
Offices Fonciers sont une proposition qui vise à soulager les
paysans de ce poids, en redonnant à la société le contrôle sur
son territoire et la production de denrées alimentaires.
L'idée
est donc de créer des Offices Fonciers sur tout le territoire, qui
seraient propriétaires du sol et des bâtiments. Un Office Foncier
par commune engendrerait un budget et une lourdeur administrative qui
pourrait être gênants, Pisani propose donc l'échelle de
l'intercommunalité qui permet une gestion locale, proche des
réalités de terrain, tout en étant plus souple qu'au niveau
communal.
Ces
Offices seraient chargés de gérer l'utilisation des terres dans le
soucis de l'intérêt général.
Ils
seraient dirigés par des élus locaux (conseillers municipaux, donc
accessibles) et un comité foncier, économique, social et culturel
(regroupant les représentants des paysans et tous les acteurs de la
société civile). Ainsi l'ensemble de la population participerait à
la définition et à l'orientation de la politique d'aménagement de
l'espace.
Pour
financer ces Offices Fonciers, Pisani propose une refonte de l'impôt
foncier, calculer à partir d'un Livre Foncier, qui renseignerait les
réalités et valeurs foncières.
Enfin,
la gestion de l'espace par les Offices se ferait sur la base de
contrats :
« Pour
leur habitation principale les ménages obtiennent l'attribution
d'une parcelle privative ou à usage indivis. Ces parcelles et ces
droits sont attribués sans limitation de durée dès lors qu'ils
sont transmis en ligne successorale directe. Il en est de même pour
les terres agricoles qui fondent une exploitation de type familiale.
Toute sous-location de droit ou de fait de ces biens est interdite. A
l'extinction de la ligne directe, le bien foncier et les immeubles
qu'il porte reviennent de plein droit à l'Office. »
Ainsi chaque ménage en France aurait droit à son habitation et pourrait la transmettre à ses enfants (Le DAL devrait être sensible à cette proposition ! ). Chaque agriculteur ferait fructifier son exploitation comme s'il en était propriétaire et pourrait également la transmettre à ses enfants.
Le
fait de limiter la succession à la descendance directe permet
d'éviter les phénomènes d'accumulation (agrandissement des fermes)
et de spéculation (augmentation des prix de la terre et des
maisons).
Cette
formule permet donc de profiter des avantages de la propriété
privée (dans l'usage, se sentir chez soi, en sécurité) sans en
subir les effets pervers (marchandisation du monde).
Il
est intéressant de noter que ces Offices géreraient l'espace rural
mais aussi l'espace urbain car c'est un « projet de loi
d'aménagement du Territoire et du Cadre de Vie » Et donc il
concerne tous les habitants de la Nation ! C'est un moyen de
réaffirmer la continuité de la République sur tout le territoire !
Parce
que si l'on en revient à notre village fictif (je cherche toujours
quelqu'un(e) pour faire les calculs pour de vrai ! (cf:discours n°1))
alors on peut imaginer bâtir un village qui fasse une place à tout
le monde. Sur les conseils d'Astérix et de Kirikou, optons pour un
village en rond :
Une
place pour la vie villageoise :
*une
mairie : parce qu'on est en République et que l'administration
c'est l'outil qui fait le lien entre le local et le national
*une
école : parce que les enfants ont besoin d'instruction et de
vie sociale
*un
hôpital : parce qu'il faut bien se soigner
*Une
poste : parce qu'il faut bien communiquer avec l'extérieur
*Un
ou des lieux de culte : ?????
*Les
commerçants : pour qu'il y ait tout sur un seul lieu.
Le
premier cercle autour serait constitué des habitations. Les Offices
Fonciers pourraient attribuer certaines habitations à des vieux qui
voudraient vivre en petites collocations.
(Parce
que tout de même il va falloir revoir ces maison de retraite! )
Le
deuxième cercle accueillerait les artisans, l'agriculture vivrière
et les pluriactifs.
Les
Offices Fonciers pourraient attribuer des terres à des personnes aux
ressources limitées, pour qu'elles complètent leur revenu par de
l'agriculture vivrière (intermittents du spectacles, chômeurs,
parents isolé(E)s...). C'est le moyen d'assurer une alimentation de
qualité pour tous et surtout de repenser l'organisation du travail.
Revenons
à nos petits vieux : s'occuper d'un ou deux vieux (ou enfants
en bas age car il manque aussi des crèches !) tout en ayant son
potager à coté, cela paraît plus sympathique que de courir toute
la journée, pour un salaire pathétique, à « traiter 40
patients en maison de retraite ». Cela paraît plus respectueux
pour les vieux ET pour le personnel soignant !
Je
ne peux pas m 'empêcher de penser aux parents isolé(E)s avec
enfants, qui cumulent 2 ou 3 petits boulots mal payés (ménages,
service en restauration,...) et qui rentrent le soir et voient leurs
gosses « tenir les murs des cités » parce que la société
n'a rien à leur offrir. Certain(E)s seraient surement intéressé(E)s
par un lopin de terre, une habitation digne de se nom, qu'ils (ELLES)
pourraient transmettre à leurs enfants, en échange de service
rendus à la collectivité.
L'industrialisation
de l'agriculture s'est accompagnée d'une masculinisation de celle-ci
et à remis en cause le droit inaliénable de chaque être humainà travailler la terre pour ce nourrir.
L'Agriculture Vivrière c'est d'abord, de part le monde, l'agriculture des femmes ; c'est aussi l'agriculture des plus humbles. La reconnaissance de la pluri-activité c'est le respect des besoins et différences de chacun.
L'Agriculture Vivrière c'est d'abord, de part le monde, l'agriculture des femmes ; c'est aussi l'agriculture des plus humbles. La reconnaissance de la pluri-activité c'est le respect des besoins et différences de chacun.
Nous
devons aussi penser à faire une place aux artisans dans cette
Réforme Agraire. Comme le dit la publicité : l'artisanat est
le premier employeur de France. Nous devons donc favoriser son
implantation pour stimuler l'économie locale. Or, aujourd'hui,
beaucoup de jeunes artisans ne peuvent s'installer dans les zones
rurales car, sous couvert de protection de la terre agricole,
l'espace leur est interdit.
S'il
faut, bien entendu, préserver la ressource en terres arables, les
Offices Fonciers seraient un outil pour réfléchir la gestion de
l'espace et faire une place à chacun ; notamment aux 25 %
de jeunes qui sont à l'heure actuelle exclus de notre société.
De
même, les Offices Fonciers permettraient d'attribuer des terres à
des personnes qui n'y ont pas accès aujourd'hui : les immigrés
et leurs enfants. C'est en effet très facile de leur reprocher de ne
s'être pas intégré, mais quelle place leur avons nous vraiment
laissé sur notre territoire ?
Combien
de Mohamed et de Fatima dans nos campagnes ? On ne me fera pas
croire qu'aucun d'entre eux n'est intéressé par la terre et les
animaux.
Le
troisième cercle accueillerait l'agriculture de circuits courts,
pour le commerce local.
Le
quatrième, l'agriculture de circuits longs, pour approvisionner les
grandes villes.
Nous savons que les animaux naturellement organisés en troupeau ont un nombre optimum. Celui où l'individu et le collectif sont au mieux épanouis. Chez les vaches c'est 40, les moutons c'est 70, et l'Homme ?
Mais
la grande question c'est bien sûr comment les Offices vont devenir
propriétaires du sol ? Et c'est (à mon avis!) là qu'est tout
le génie de cette proposition. Pisani a très bien compris qu'on ne
pouvait pas brusquer les paysans (et la société) et que les choses
devaient se faire en douceur. Ainsi donc au départ les Offices ne
possèdent rien.
Mais
lorsqu'un propriétaire veut vendre, seuls les Offices pourraient
acheter.
Lorsqu'un
agriculteur arrive en retraite, si ce n'est pas un(e) de ces enfants
qui reprend la ferme, elle irait aux Offices, qui la réattribuerait
en fonction des besoins de la population locale.
Enfin,
chacun peut se porter volontaire pour vendre son bien aux Offices.
Il
n'y a donc pas de révolution sanglante, mais un basculement serein
sur quelques années ou décennies. Certaines terres n'appartiendront
peut être jamais aux Offices, mais ils occuperaient une telle place
que toute spéculation foncière serait impossible et
l'agrandissement des fermes maitrisé.
Les
agriculteurs signeraient un contrat avec les Offices, qui leur
attribueraient la pleine jouissance de leur ferme, pour toute leur
carrière (avec transmission possible aux enfants), contre un fermage
(à
déterminer en fonction des biens de production).
Il y
a évidement plusieurs points techniques à préciser pour rendre
cela crédible et applicable.
L'école
paysanne 35 en a relevé 5 principaux :
- définir ce qu'est un siège d'exploitation
- définir les contrats avec les agriculteurs
- définir les prix et critères de rachats des terres et bâtiments d'exploitation
- définir l'étendue des biens qui seraient sous la gestion des Offices
- attribuer un budget pour la mise en place des Offices
Alors
sûrement d'autres questions sont à soulever, à éclaircir, mais
quand même, cela ressemble à une sacrée bonne idée, non ?!
Si
la Confédération Paysanne ne peut sans doute pas porter ce projet
toute seule, ATTAC, le DAL, les associations de chômeurs, de femmes,
les jeunes artisans,... pourraient bien se joindre à nous...
Clarisse
Prod'homme, école paysanne 35
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